POUR QUE RENAISSE L'AMOUR.

Ce fut le début d'une nouvelle réalité. 
Très tôt,  avant qu’une nouvelle aube se déroba de la nuit, Mamina s'affairait déjà à embellir sa maison, à s'embellir. Elle voulait que ce premier jour leur fût fructueux, qu'il apportât amour et paix, qu'il fût une source de joie et de bonheur qui jaillirait en eux pour arroser et rafraîchir leurs âmes. 
Ce fut, depuis qu’elle n’était plus la secrétaire du Cabinet Bonhomme et Collaborateurs,  le premier jour où son mari restait encore avec elle au foyer à une heure supérieure à celle de la montée du Drapeau National. Debout depuis près de quatre heures de temps, elle se sentait renforcée en écoutant chanter la Dessalinienne à la radio par une voie féminine très suave que tout le monde admirait.  Pourtant, lui – même était encore au lit à cette heure. 
Lorsqu'elle finit d'arranger la table, de dresser le repas matinal, elle alla se parer d'un T - shirt rose et de sa plus jolie mini-  jupe, puis, se mettre aux pieds de son Jacky pour attendre patiemment son réveil. 
  • Bonjour, Mamina ! 
  • Bonjour, mon amour ! As- tu eu bon sommeil ? 
D’un geste vif, il se dressa, s'assit sur le lit en face de sa femme. Ses membres s’alourdirent. Son dos se courba sous le poids de ses inquiétudes. Son visage se crispa.  De mornes plis parcouraient çà et là son front. Il ronronna : 
  • Non ! Pas du tout ! Il a été plein de cauchemars. 
Elle passa tendrement ses bras autour de son cou et baisa son front. 
  • N'aie plus peur, mon homme, Tout est fini maintenant. C'est un nouveau jour ; c'est une nouvelle vie. 
Elle lui baisa la bouche.
 Lui qui avait longtemps refusé d’elle tout don ou promesse d’affection, lui qui s’était souvent fait insensible à ses manifestations d’amour ou de passion, accepta cette fois de recevoir avec avidité ses lèvres délicieuses, d’accueillir ses prémices, de se donner enfin totalement à elle, de lui rendre la réciprocité. 
Tenue également par la nuque, elle sentit sa langue caresser la sienne, se glisser doucement vers ses épaules, descendre et descendre jusqu'à ses seins bien tendus.
De cuisantes caresses et émotions l'enflammaient ; Des vagues de sensations  l'envahissaient et l'emportaient. Elle ne pouvait retenir son souffle et son cœur galopait sans arrêt. Tout s'explosa en elle. Un fleuve frénétique la pénétra et traversa son corps pour engendrer une cascade de plaisirs et de satisfactions. 
Ce fut bien le début d'une douce réalité. 
Allongée sur le dos, les yeux accrochés au plafond,  elle refusait de penser à quoi que ce soit et tentait de tout oublier,  d'oublier les souffrances d'hier et les incertitudes du lendemain. 
Lui - même, couché sur un côté,  en lui tournant le dos, ne pouvait s'empêcher de penser à rien, de penser à ses jouissances d'hier et, aussi, aux incertitudes du présent. 
Il comptait en sa mémoire tous les fous moments passés avec ses amis, toutes les belles ambiances qu'il avait aimées et les belles amours qu'il avait vécues. Il se demanda : "Que vais- je faire, maintenant ? Je n'ai plus de boulot et mon compte bancaire est presqu'à zéro ".
Soudainement,  une grande peur l'accapara. Tout son corps se raidit. De grosses gouttes de sueurs perlaient sur son front. Il s'efforçait en vain de vider son esprit, de tout effacer. Il ferma alors les yeux, feignant de dormir.
Mamina décelait bien son inconfort et son malaise.
  • Chérie,  j'ai déjà préparé un petit plat tout succulent pour toi. Puis - je te l'apporter ici ? 
  • Non, merci ! Je n'ai pas encore faim. 
  • C'est formidable si tu n'as pas faim. Aussi, n’est- ce pas étonnant que tu n'as rien mangé depuis plus de douze heures ?  Surement que le fond de ton estomac est creux. Je vais le prendre pour toi.
Elle se remit debout, passa une serviette autour de sa hanche. 
Il la retint par la main.
  • Ça va, Mamina.  Je n'en ai pas envie. 
  • Ok ! D'accord ! D'accord ! 
  • Apporte-  moi uniquement du jus.
  • Tu vas l'apprécier,  crois- moi, les oranges étaient bien mûrs et si juteux. 
  • Merci ! 
  • La banane est assez fine et le poisson était bien frais.
  • Non, merci ! Juste un verre de jus, s'il te plaît. 
Du jus d'orange lui fut servi. Il en buvait très lentement,  comme s'il n'avait plus de force pour avaler, comme si quelque chose le tenait à la gorge,  obstruait son pharynx.
Lorsqu'il eut terminé, il s'inclina encore vers le plan du lit. Et elle- même, elle prit le verre et le déposa sur le chevet. 
  • Jacky,  je ne veux pas me faire des soucis pour toi. Je ne veux pas que tu sois très désemparé puisque tu n'as plus de boulot. 
  • Ne t'inquiète pas…
  • Je ne veux pas trop m’inquiéter ; Je veux seulement que tu sois toujours heureux. 
  • Merci !
  • J’ai la foi en notre futur. J’ai la foi en toi. Je crois en tes capacités de réussir. 
  • Merci, Mamina !
  • Plus grande est ma foi en Dieu. Il ne nous laissera pas seul. Il pourvoira à nos besoins et nous aidera à trouver un moyen pour vivre, un moyen pour être heureux. Il ne nous exige qu'à croire en lui, qu'à faire sa volonté. 
Il resta muet, immobile,  les paupières closes, comme s'il dormait. Elle plaça une main sur sa tête, commença à lui caresser les cheveux et ajouta : 
  • Comme je suis à la fois triste et heureuse ! Triste de te voir si triste, si inquiet. Heureuse que nous l’ayons bien fait  ce matin, que nous serons encore ensembles pendant toute cette journée et toute cette nuit. Nous pourrons bien profiter de ce long week-end pour mieux nous entendre et, surtout,  pour mieux planifier notre avenir. Nous pourrons tout faire pour que renaisse notre amour, pour que renaisse notre vie.
Il ne dit rien et se mit à plat ventre. Elle saisit le verre vide et laissa la chambre à coucher.
Reprenant ses tâches quotidiennes, elle balayait,  nettoyait, lavait et rinçait. Comme une automate, elle allait et revenait. De la chambre à la cuisine, la salle de bain, le salon jusqu'à la cour. Un air frais circulait partout dans la maison où s'exhalait une agréable odeur de crustacés. 
Il était déjà midi quand sonna le téléphone de Jacques. Il passa une main sur le chevet, tâtonna, souleva l'appareil, le ramena devant ses yeux, vérifia l'appel entrant et décrocha : 
  • Richard ! 
  • Que pasa, amigo ? Je ne te vois pas au club. Tu es malade ? 
  • Ouais ! Je ne me sens pas du tout bien.
  • Qu’es – ce que tu as ?
  • Je ne sais pas, juste que je ne suis pas bien !
  • Alors, viens ! Tu trouveras ton remède ici. Si tu ne veux pas conduire ta voiture, Rony viendra te chercher.
  • Non, pas la peine ! 
  • Ok ! Nous t'attendons. Sahila t'attend aussi ! 
Il se dit à lui - même : "pourquoi pas ?  Une petite détente au club arrosée de quelques bières pourra bien chasser mes soucis".
 Il se souvenait des blagues grivoises de Richard, lui dont chaque parole est une sentence contre la femme.  Personne n’aimait, certes, les détractions de ce dernier, mais ils aimaient tous l’écouter parce qu’il disait toujours les choses d’une façon à les faire tordre de rire. Richard répétait souvent : « aucune femme n’est fidèle » pour s'insinuer ensuite : « Que me vaudra la fidélité d’une femme puisque cela ne m’apportera rien de plus et que je ne lui rendrai jamais la réciprocité ». Il dit qu’il aimait les femmes, qu’il aimait surtout celles qui savaient lui susurrer des mots tendres dans la douce langue de Cervantès. Il était bruit que, depuis son adolescence, il sautait de fleurs en fleurs, de femmes en femmes. Il était bien bruit que ses liaisons idylliques s'achevaient toujours par des scènes de jalousie en provenance de lui - même. Il était aussi bruit que jamais femmes ne l’aimaient vraiment, qu’elles ne voulaient jamais lui donner ce que lui - même ne pouvait pas leur donner. Plus que bruit est qu'il aimait les offrir de l’argent à profusion et que celles – là qui acceptaient de partager leurs moments avec lui n’acceptaient que de lui remettre la monnaie de ses pièces. 
Jacques se souvenait également de Sahila, avec ses petites cajoleries et ses grands caprices. Il ressentit tout à coup une forte envie de les voir et de les entendre.
Il se leva, se doucha, s'habilla, pris la clef de sa voiture et rencontra, en partant, sa femme sur la cour,  en train de cueillir des roses fraîche écloses.
  • Chérie !  Que fais-tu là ? Tu sors ?  Où vas- tu ? 
  • Je vais rejoindre Richard. Juste pour boire deux bières et me décharger l'esprit. 
  • Mais, tu n'as rien mangé Jacky.
  • Ça va, Mamina. 
  • Non, Non ! Viens avec moi ! Passons à la table ! 
Elle la tint coude à coude, l'entraîna dans la salle à manger et lui servit un bon plat de riz avec de la purée de pois rouge et des écrevisses frites.
Il en mangeait la moitié. Mamina l'encourageait à continuer. Il fit des hochements de tête de négation.
  • Mamina, je dois m'en aller. Ça fait longtemps depuis que Richard m'a appelé. Il commence sûrement à s'impatienter.
  • Oui. Sûrement.  Pourquoi tu ne l'appelles pas ?  Lui dire de venir ! Qu'il y a chez toi des bières bien glacées et du poisson frite. 
  • Mamina ! 
  • Je vais acheter les bières.  Il nous reste encore du poisson dans le frigo.
  • Mamina ! 
  • Ce sera une belle soirée.
  • Mamina ! 
  • Oui, Mon Amour ! 
  • Il n'y a pas que Richard.  Et les autres ? Rodrigue, Flaubert,  Junior…
  • Ils auront tous le bienvenu et seront tous satisfaits.
  • Mamina ! 
  • Ils peuvent venir chacun avec sa femme … Ou une petite amie !
  • Non Mamina !  C'est impossible.  Nous ne sommes pas prêts à les recevoir. Peut-être une autre fois…
  • Oui. Peut-être ! 
  • Puis - je m'en aller ? 
  • Puis - je t'accompagner ? 
  • Non, Mamina !  Impossible ! Peut-être une autre fois...
  • Oui ! Peut-  être ! 
Mamina l’accompagnait jusqu’à sa voiture. Il y monta. Elle l’observa attentivement. Elle rit et il arriva à comprendre rapidement ce que s’était passé. Il sourit subtilement, d’un sourire qui voilait sans doute un certain sentiment. Est – ce de peur ? Est – ce de timidité ? Est – ce de honte ?
  • Merci, Mamina !
Il tendait une main et elle y déposa la clef qu’il avait oubliée sur la table.
  • Merci, chérie ! Vraiment merci ! Tu es tout pour moi ; tu fais tout pour moi. Tu surveilles même mes moindres négligences.
  • Tes mots me vont droit au cœur. Merci mon amour, dit – elle en lui donnant un baiser sur la joue gauche.
  •  Je regrette fort de ne pas pouvoir t’emmener avec moi.
Ne regrette rien chérie. Un jour viendra où tu nous emmèneras là où nous devons aller. Je garderai à jamais la foi. Bye, ajoute – elle, en posant un baiser sur sa joue droite.

Ce texte est extrait du roman de même nom. Tous droits réservés @ Dr. Berthony Jean François.

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